Former les référents harcèlement et sexisme est indispensable
Elisabeth de Visme est consultante, formatrice et médiatrice, spécialisée dans la qualité de vie au travail et la prévention des risques psychosociaux.
Q : Le harcèlement et le sexisme sont des sujets d’actualité. En quoi les entreprises sont-elles concernées ?
Les révélations de l’affaire Weinstein ont en effet été le déclencheur, depuis fin 2017, de nombreuses discussions sur le harcèlement sexuel. A cela s’ajoute une préoccupation de longue date quant à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Plus récemment, les discussions se sont portées sur le sexisme. C’est tout-à-fait pertinent, car ce sont bien les attitudes sexistes qui sont à l’origine de discriminations selon le sexe, tout particulièrement envers les femmes, et sont un terreau pour le harcèlement sexuel. Les entreprises savent que ces comportements délétères ont cours entre leurs murs, et que cela nuit à la santé de leurs salariés et à l’efficacité des équipes, sans parler des effets sur l’image de l’entreprise. Un certain nombre se sont emparées de la question et forment leurs managers, et certaines organisent la sensibilisation de l’ensemble de leurs salariés, ce qui est tout-à-fait pertinent.
Q : Ces préoccupations ont amené des évolutions législatives récentes…
Dans le cadre d’un plan d’action pour la prévention du harcèlement et du sexisme, le troisième pilier est la mise en place d’un processus d’alerte : il faut que les salariés sachent à qui s’adresser, si l’on est victime ou témoin d’agissements qui relèvent du harcèlement, et comment leur alerte va être traitée. Le législateur a imposé, depuis le 1er janvier 2019, la désignation de deux référents pour lutter contre le harcèlement sexuel et le sexisme : un référent nommé par l’employeur, obligatoirement dans les entreprises de plus de 250 salariés, et un référent désigné parmi les membres du CSE, quelle que soit la taille de l’entreprise. C’est l’occasion de mettre en place un processus d’alerte clair et communiqué à tous.
Q : Quel devrait être le rôle de ces référents ?
Le référent désigné par l’employeur est « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (article L1153-5-1 du Code du travail, créé par la loi du 5 septembre 2018). Ce n’est donc pas qu’un rôle de « hot-line » pour les victimes : le référent pourra être moteur dans la définition de politiques et d’actions. C’est à l’employeur de définir le champ d’action du référent, et nous ne pouvons que souhaiter que les DRH se saisissent de l’occasion pour déployer des politiques volontaristes.
Le rôle du référent désigné au sein du CSE, quant à lui, n’est pas du tout précisé (article L2314-1). Je sais que dans certaines entreprises, des actions menées conjointement par les deux référents sont envisagées, et c’est une bonne chose.
Q : Ces sujets étaient peu traités jusqu’ici par les entreprises, à quelles conditions les référents pourront-ils avoir une action efficace ?
Une des premières conditions pour que les référents puissent agir est qu’ils connaissent le sujet. Or la culture de la prévention en matière de harcèlement sexuel et de sexisme est globalement faible dans les entreprises, même parmi les professionnels des RH. La formation des référents est donc essentielle. Certaines entreprises prévoient de former ensemble les deux référents, et je recommande d’en profiter pour former l’ensemble des acteurs de la gestion des RH et plusieurs élus du CSE, au risque de laisser les référents dans une posture de Don Quichotte. Il s’agit de faire évoluer la culture de l’entreprise, car le sexisme imprègne les relations de travail, plus ou moins selon les secteurs d’activité et la plus ou moins grande mixité, mais partout néanmoins.
Q : Une dernière question : les référents sont-ils toujours des référentes ?
Souvent des femmes sont désignées dans ces rôles, mais parmi les référents désignés au sein du CSE, j’ai rencontré plusieurs hommes, parfois aussi parmi les référents désignés par l’employeur. Rares sont les entreprises dans lesquelles les référents n’ont pas encore été désignés, mais j’ai eu connaissance cette année de quelques CSE qui ne l’avaient pas fait. J’encourage d’ailleurs à faire en sorte qu’il y ait au moins une femme et un homme dans ce rôle.
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